L'ANGE AU CHANOINE

FRAGMENT D'UN RETABLE LAONNOIS DU XVe SIÈCLE

par Inès Villela-Petit

S'il est moins célèbre que l'Ange au sourire sculpté au portail de la cathédrale de Reims, à quelques lieues de là, l'Ange de Laon1 n'en est pas moins une œuvre exceptionnelle et tôt reconnue comme telle (fig. 1). Classé monument historique en 1947, le tableau acquit peu après un surcroît de notoriété par son attribution au Maître des Heures de Rohan dans un ouvrage de Grete Ring2. Les quelques pages qui lui ont été consacrées depuis lors - car la bibliographie en est étonnamment brève - se sont toujours inscrites dans ce sillage, dans le cadre des études sur l'enlumineur des Grandes Heures de Rohan. Pourtant, les doutes formulés par François Avril à l'encontre de cette hypothèse récemment encore largement admise3 font chanceler le fragile édifice d'idées reçues, de tradition non critique, de déductions séduisantes et d'habitudes de penser, construit sur cette seule base. Si l'auteur des scènes à l'expressivité poignante que sont la Lamentation sur le Christ mort et le Mort devant son juge4 n'est pas le peintre de l'Ange du musée de Laon, si l'attraction du panneau dans le corpus du Maître de Rohan est remise en cause, alors l'ombre de notre ignorance s'épaissit à nouveau et nos certitudes semblent se réduire à quasi rien : ni la destination initiale, ni la datation, ni le commanditaire, ni maintenant le peintre et partant le contexte artistique et historique de l'œuvre, ne sont assurés. C'est à la résolution de quelques-unes de ces énigmes que nous nous proposons de consacrer les pages qui suivent.