LES AGISSEMENTS DE DEVADATTA

SELON LES CHAPITRES RELATIFS AU SCHISME

DANS LES DIVERS VINAYAPITAKA

PAR

André BAREAU

Cet article reproduit le texte, légèrement remanié et complété, d'une série de cours donnés à la Maison Descartes d'Amsterdam les 13 et 15 mars 1990. Il fait partie d'un programme de travaux entrepris depuis une trentaine d'années pour rechercher le maximum d'éléments historiques concernant la vie du Bouddha et les tout premiers siècles du développement de sa doctrine et de sa Communauté monastique. Nous avons étudié ainsi la quête de l'Éveil et les premiers mois qui ont suivi celui-ci, la jeunesse du futur Bouddha, le dernier voyage du Bienheureux, son Parinirvâna et ses funérailles, puis divers éléments secondaires de sa biographie traditionnelle.

Cette fois-ci, nous avons recherché ce que les plus anciens documents peuvent nous apprendre sur le premier schisme et sur le moine qui l'aurait provoqué, Devadatta. La tradition est unanime à présenter celui-ci comme un homme «perdu de vices et de crimes», le plus grand adversaire humain du Bouddha, qu'il aurait même tenté de tuer plusieurs fois. Nous avons essayé de deviner ce qu'il y a de vrai dans ces très graves accusations et de tirer des chapitres relatifs au schisme (samghabheda) dans les divers Vinayapitaka parvenus jusqu'à nous quelques faits de l'histoire de la Communauté bouddhique à ses débuts.

Bien entendu, Devadatta est un personnage trop célèbre pour n'avoir pas fait déjà l'objet de plusieurs travaux sérieux. Le grand indianiste belge que fut Mgr Etienne Lamotte lui a consacré un très long passage de son Traité de la grande vertu de sagesse (tome II, pp. 868-878), où il donne un résumé de l'état des sources et de nombreuses notes sur la légende de ce personnage. Plus récemment, M. Biswadeb Mukherjee a publié un excellent ouvrage sur ce sujet, sous le titre Die Ûberlieferung von Devadatta, dem Widersacher des Buddha in den Kanonischen Schriften (Munchener Studien zur Sprachwissenschaft, Beiheft J, Munchen, 1966), dans lequel il étudie toute la légende de Devadatta à travers l'ensemble des documents indiens, textes canoniques et extracanoniques, ainsi que documents archéologiques. Il a su retrouver les principales étapes du développement de cette tradition et montrer que les plus anciennes sont contenues dans les Vinayapitaka. Une louable prudence l'a retenu de passer de l'étude purement philologique à des conclusions de nature historique, qu'il a pourtant pressenties. Enfin, pour s'en tenir aux travaux