LE STYLE DU KULEN
(DÉCOR ARCHITECTURAL ET STATUAIRE)
par Philippe STERN Conservateur-adjoint du Musée Guimet Correspondant de l'Ecole Française d'Extrême-Orient
Nous avons eu la bonne fortune, grâce à l'Ecole Française d'Extrême-Orient, de pouvoir vérifier sur place, par les fouilles, des conceptions que nous avions élaborées au loin, à Paris» Elles concernaient un problème qui nous paraissait être une des clés de l'évolution de l'art khmèr: le problème du Kulên. Nous avons pu ainsi réunir une documentation qui, étudiée à loisir au retour, nous permet aujourd'hui d'affirmer qu'il existe un style du Kulên, chaînon manquant dans la série des styles khmèrs. Nous renvoyons à un article sur les travaux du Kulên inséré, avec la présente étude, dans le Bulletin de l'Ecole Française ■d'Extrême-Orient p. 151, pour l'histoire des fouilles, la liste des sites et des pièces découvertes; on y trouvera également quelques suggestions concernant certaines méthodes particulières de travail archéologique en Indochine. Nous laissons aux architectes l'examen structural des édifices qui échappe à notre compétence et que d'ailleurs nous n'aurions pu exécuter faute de temps. Nous nous bornons ici à étudier la décoration architecturale et la statuaire du Kulên que les récents travaux ont permis de connaître. Nous verrons ainsi ce que les recherches •d'évolution des motifs auxquelles nous nous sommes consacrés peuvent apporter dans l'étude d'un style nouveau pour orienter tout d'abord les travaux puis, les pièces découvertes, pour situer ce style dans l'évolution générale de l'art. Nous verrons également se confirmer l'importance du problème du Kulên.
Le problème du Kulên
Le Phnom Kulên (Mont des Letchis) est un haut et long plateau couvert de forêts que traverse la rivière de Siemrâp et qui surplombe assez brusquement, de ■ses pentes Sud-Est, la plaine environnante. De gros blocs erratiques, analogues à ceux de Fontainebleau, parsèment le plateau. La forêt, luxuriante aux «nvirons de la rivière, devient presque partout ailleurs un taillis très dense ; des villages peu nombreux et composés chacun de quelques cases sont établis dans les clairières. Le plateau se dresse à environ quarante kilomètres à vol d'oiseau, au Nord-Est d'Aôkor. Une piste de soixante kilomètres amène, par un assez long •détour, de Siemrâp au centre des sites archéologiques.
Le problème du Kulên est lié au règne du roi Jayavarman II, le grand rénovateur de la puissance khmère (fin du VIIIe siècle et première moitié du IXe siècle «de notre ère). Nous connaissons surtout ce règne par la fameuse inscription de
