Vampyronassa rhodanica nov. gen. nov sp., vampyromorphe (Cephalopoda, Coleoidea) du Callovien inférieur de la Voulte-sur-Rhône (Ardèche, France)
Introduction
Les vampyromorphes, longtemps rangés parmi les octopodes, sont maintenant plus généralement considérés comme un ordre à part, se situant entre les teuthoïdes et les octopodes proprement dits et se différenciant principalement de ces derniers par leur gladius non calcifié mais cependant bien développé et par la présence, sur la couronne brachiale, d’une paire de filaments pouvant être considérée comme homologue d’une cinquième paire de bras (Clarke, 1988, p. 333).
A l’exception, très incertaine, de trois espèces du Jurassique supérieur d’Allemagne interprétées par Bandel & Leich (1986) comme leur étant apparentées, les vampyromorphes n’étaient jusqu’ici connus avec certitude que dans la nature actuelle, par une très faible diversité de formes toutes necto-bathypélagiques. Tel le fameux Vampyroteuthis infernalis Chun, 1903, de tous les océans tropicaux et subtropicaux, mais rarement trouvé à moins de mille mètres de profondeur Pickford, 1946, Pickford, 1950 p. 89).
Or, les fouilles effectuées au cours des années 1980 dans le Callovien inférieur (zone à Gracilis, sous-zone à Koenigi) de la Voulte-sur-Rhône (Ardèche) avaient permis de mettre au jour, entre autres céphalopodes coléoïdes avec parties molles minéralisées (Fischer et al., 1982), une vingtaine de spécimens d’une espèce pouvant être attribuée aux vampyromorphes, mais dont la publication avait été jusqu’ici différée en raison des difficultés d’interprétation qu’ils présentaient.
L’espoir d’en collecter d’autres exemplaires mieux conservés se révélant illusoire, il nous est apparu préférable de faire connaître sans plus attendre l’existence de cet intéressant matériel.
L’ordre des vampyromorphes se caractérise, dans la sous-classe des coléoïdes, par huit bras sessiles, réunis par un velum et armés d’une rangée de ventouses encadrées de cirres, plus une paire d’appendices brachiaux ; la tête, sans cou, est directement attenante au corps et pourvue d’une paire d’yeux latéraux ; le corps (partie correspondant à l’extension du manteau) est oviforme, pourvu d’un organe interne de soutien (gladius) non calcifié, d’une paire de nageoires supéro-postérieures et d’organes lumineux ; il n’existe pas de poche à encre.
Les spécimens du Callovien inférieur de la Voulte-sur-Rhône dont il est fait état ici répondent particulièrement bien à ces caractéristiques morpho-anatomiques et peuvent donc être attribués avec certitude à l’ordre des vampyromorphes. En voici l’étude.
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Matériel
Sur la vingtaine de spécimens du Callovien inférieur de la Voulte-sur-Rhône pouvant être attribués à cette espèce avec assez de certitude, huit présentent un intérêt justifiant leur prise en compte comme syntypes. Ces huit spécimens, figurés ici, sont enregistrés dans les collections du Laboratoire de Paléontologie du Muséum national d’Histoire naturelle (Paris) sous les numéros LPM-B.74243 à B.74250.
Dimensions
Les dimensions qui suivent sont données en millimètres. La longueur indiquée pour les bras est
Environnement sédimentaire et mode de vie
Pour expliquer les processus de minéralisation très particuliers des fossiles à parties molles pseudomorphosées dans le Callovien inférieur de la Voulte-sur-Rhône, plusieurs auteurs Fröhlich et al., 1992, Wilby et al., 1996 ont évoqué la probabilité d’un milieu marin relativement profond. La présence de vampyromorphes serait de nature à conforter cette opinion, dans la mesure où les représentants actuels de ce groupe d’organismes se rencontrent à des profondeurs marines rarement inférieures à 1
Remarques sur trois espèces du Jurassique supérieur d’Allemagne
Sur la base d’un matériel difficilement interprétable et en partie composé d’empreintes physiologiques, Bandel & Leich (1986) ont attribué aux vampyromorphes trois espèces du Kimméridgien-Tithonien de Solnhofen (Bavière) qui avaient été antérieurement considérées, notamment par Naef (1922) et par Jeletzky (1966), comme pourvues de dix bras dont deux tentaculaires et donc comme appartenant à l’ordre des Teuthida : Plesioteuthis prisca (Rüppel, 1829), Leptoteuthis gigas Meyer, 1834, et
Conclusions
La nouvelle forme fossile ici décrite sous le nom de Vampyronassa rhodanica apparaît très proche, par ses caractères morpho-anatomiques externes, de l’actuel Vampyroteuthis infernalis. Il en résulte que l’ordre des Vampyromorpha se trouvait, au Jurassique moyen, déjà bien séparé des autres ordres de céphalopodes coléoïdes, notamment des Teuthida et des Octopodida, et que les origines de cet ordre doivent donc être beaucoup plus anciennes encore.
À l’exception, peu vraisemblable, de trois espèces
Références (18)
Evolution of recent Cephalopods. A brief review
- et al.
The gladius in Coleoid (Cephalopoda) evolution
Fossil “Octopods” - A critical review
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Jurassic Vampyromorpha (Dibranchiata, Cephalopoda)
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Cambridge Philos. Soc. Biol. Reviews
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Le plus ancien poulpe connu (Cephalopoda, Dibranchiata), Proteroctopus ribeti nov. gen., nov. sp., du Callovien de l'Ardèche (France)
Comptes rendus de l'Académie des Sciences, Paris
(1982) - et al.
Les teuthoïdes (Cephalopoda, Dibranchiata) du Callovien inférieur de la Voulte-sur-Rhône (Ardèche, France)
Annales de Paléontologie, Paris
(1982) - et al.
Structures rétiniennes phosphatisées dans l'œil géant de Dollocaris, un crustacé fossile
Annales de Paléontologie, Paris
(1992) Comparative morphology, phylogeny and classification of fossil Coleoidea
Univ. Kansas Paleontol. Instit., ser. Mollusca
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Cited by (32)
SNP data reveals the complex and diverse evolutionary history of the blue-ringed octopus genus (Octopodidae: Hapalochlaena) in the Asia-Pacific
2023, Molecular Phylogenetics and EvolutionRevisiting the phylogeny of the genus Lolliguncula steenstrup 1881 improves understanding of their biogeography and proves the validity of Lolliguncula argus Brakoniecki & Roper, 1985
2021, Molecular Phylogenetics and EvolutionCitation Excerpt :For the tree prior parameters, we used the prior Speciation: Yule Process and modeled with a relaxed log-normal clock (Drummond et al., 2006). The priors on calibration clades were set using log-normal functions and follow Sales et al. (2017), including the use of the calibration points as follows: A- the appearance of the Order Vampyromorpha 162 million years ago (mya) (Fischer and Riou, 2002; Strugnell et al., 2006); B- the possible origin or the American loliginids (Doryteuthis) during the Middle Eocene (41.2–47.8 mya), as suggested by many authors based on fossil statoliths (Clarke and Maddock, 1988; Neige et al.,2016); C-The probable origin of the European Loliginids (20 mya) (Strugnell et al. 2006)); and D- Middle Miocene orogeny of the Caribbean plate (~15.8 mya), a secondary calibration suggested as the main event that split the two lineages of D. plei (Sales et al, 2017); and E- ~ 3 mya statolith fossil identified as belonging to D. opalescens (Clarke and Fitch, 1979). The MCMC method used to infer divergence times was run in BEAST 2.
Divergence of cryptic species of Doryteuthis plei Blainville, 1823 (Loliginidae, Cephalopoda) in the Western Atlantic Ocean is associated with the formation of the Caribbean Sea
2017, Molecular Phylogenetics and EvolutionCitation Excerpt :These two simulations were run using a strict clock and the calibration nodes were constrained using lognormal-distribution priors. The Time to Most Recent Common Ancestor (TMRCA) for the main clades was estimated using the following calibration points: (A) 162 million years ago (Mya): appearance of the Order Vampyromorpha (Fischer and Riou, 2002; Strugnell et al., 2006); (B) 45 Mya: The probable origin of the North American loliginids (Clarke and Maddock, 1988); (C): 20 Mya: The probable origin European loliginids; (D) 3 Mya: Statolith fossils identified as belonging to Doryteuthis opalescens dated to the early Pleistocene (Clarke and Fitch, 1979). The MCMC method was used to infer divergence times between the northern and southern populations, run in BEAST 1.7.4 (Drummond and Rambaut, 2007).
The la voulte-sur-rhône lagerstätte (Middle Jurassic, France)
2014, Comptes Rendus - PalevolCitation Excerpt :Octopods are represented by the very famous and unique Proteroctopus ribeti (Fig. 5C; see Fischer and Riou, 1982a for details). Vampire squids are represented by about 20 specimens attribute to Vampyronassa rhodanica (Fig. 5D; Fischer and Riou, 2002), the oldest representative of the Vampyromorpha. Four species of teuthoid squids are only described at La Voulte (Fischer and Riou, 1982b): Romaniteuthis gevreyi, Rhomboteuthis lehmani (Fig. 5E), Teudopsis sp., Gramadella piveteaui.
Vestigial phragmocone in the gladius points to a deepwater origin of squid (Mollusca: Cephalopoda)
2012, Deep-Sea Research Part I: Oceanographic Research PapersCitation Excerpt :This point of view was further elaborated with discoveries of other characteristic features like sessile suckers, octopod-like beaks etc. (Fuchs et al., 2007a,b,c; Fuchs and Weis, 2010; Fuchs and Larson, 2011). However, the recent finding of the fossil vampyromorph Vampyronassa rhodanica from Callovian deposits (Fischer and Riou, 2002) that looks similar to the extant V. infernalis but very different from the animals analyzed by Bandel and Leich (1986) puts another question mark and underscores the necessity of further study to identify the systematic placement of the Mesozoic gladius bearing coleoids. In the Mesozoic era, the gladius-bearing coleoids co-existed with another very abundant group of cephalopods with internal shell, the Belemnitida.
The La Voulte Lagerstätte (Callovian): Evidence for a deep water setting from sponge and crinoid communities
2007, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology