1À l'instar de beaucoup de régions du monde, l'Afrique de l'Ouest fait face aux changements climatiques et à leurs effets socio-économiques et environnementaux (Butt et al., 2005 ; Kurukulasuriya et al., 2006 ; Brown, Crawford, 2008 ; Enete, Onyekuru, 2011 ; Agossou et al., 2012). Toutefois, ses paysans ont toujours su gérer les ressources afin de répondre aux défis environnementaux et socio-économiques (Butt, 2005 ; Mortimore, Adams, 2001). Ainsi, ils ont constamment développé des stratégies d'adaptation aux changements climatiques afin de pouvoir survivre.
2Il existe de nombreuses études sur la thématique des innovations agricoles introduites par les paysans en relation avec les changements climatiques en Afrique de l'Ouest. Par exemple, Muller et al. (2015) ont étudié le retour du sanio dans le bassin arachidier du Sénégal en insistant sur les facteurs climatiques, économiques et socioculturels. Les travaux de Boko (1988) ont montré que les paysans du nord du Bénin ont eu recours à des variétés de mil, de sorgho, de maïs, de haricot et d’arachide plus précoces pour remédier aux déficits pluviométriques ; ceux de Lacy et al. (2006) ont révélé que les paysans du sud du Mali ont préféré le sorgho à cycle court aux variétés à cycle long. De même, Mertz (2009) a signalé que beaucoup de paysans du Saloum (centre du Sénégal) ont adopté le melon, le maïs et le sésame pour s'adapter aux changements climatiques. Cependant, les recherches sur les formes de diffusion spatiale du sanio au Sénégal, notamment dans le bassin arachidier, restent très peu connues. C'est ce qui justifie la présente étude.
3Le bassin arachidier, qui a longtemps été un des greniers du Sénégal, est soumis depuis le début des années 1970 à la sécheresse et à la baisse du prix de l’arachide. Ceci a poussé beaucoup de paysans à abandonner la filière arachidière au profit notamment des cultures vivrières. Des variétés céréalières à cycle long comme le sanio ont également été délaissées par une grande partie des paysans. Toutefois, avec le regain pluviométrique enregistré depuis les années 2000, on assiste à une reprise de certaines cultures qui étaient abandonnées. Parmi ces cultures, on peut noter celle du sanio qui se diffuse depuis dans le sud-ouest du bassin arachidier du Sine. Le sanio est une variété de mil aux qualités bien appréciées, car ses grains ont meilleur goût que ceux du mil souna et ses tiges sont plus prisées pour les toitures, les palissades et le fourrage (Muller et al., 2015). En outre, il a un épi qui présente des poils longs et durs qui protègent contre les attaques des oiseaux, contrairement au mil souna. Cette variété de mil présente donc un enjeu important pour les populations.
4Le sanio n’a jamais été complètement abandonné dans le sud-ouest du bassin arachidier du Sine, puisqu’on note sa présence permanente dans certaines localités de ce territoire. Les foyers potentiels (originels) de diffusion de cette céréale sont donc nombreux et beaucoup de paysans gardent encore en mémoire cette culture. En outre, le sud-ouest du bassin arachidier du Sine n’est pas homogène, tant du point de vue des pratiques paysannes que du milieu physique (Ndour, 2015).
5Expression des stratégies paysannes d’adaptation aux changements climatiques, la diffusion spatiale du sanio influe sur l’organisation de la production agricole et de l’espace. En effet, dans cette zone, le sanio est traditionnellement réservé, avec l'arachide et la jachère, aux champs de brousse, et le souna cultivé dans les champs de case (Lericollais, 1972). Avec sa réintroduction, le sanio commence à reconquérir l'espace déjà occupé par les autres cultures ou de nouveaux espaces. Il est donc important de comprendre les modes d’expansion et la réintégration de cette culture dans le système spatial du sud-ouest du bassin arachidier en lien avec les changements climatiques.
6Processus de dissémination par lequel un phénomène se répand dans l’espace et dans le temps, la diffusion spatiale joue un rôle important dans la formation, la stabilité et la transformation des structures spatiales. Elle a deux dimensions : spatiale et temporelle très fortement liées, car d’un point de vue phénoménologique, l’espace et le temps se présentent comme un continuum (Cheylan, 2007). Il y a deux principaux types de diffusion spatiale : la diffusion par expansion et la diffusion par relocalisation. La diffusion par expansion se définit comme un processus d’extension d’un phénomène ; ce phénomène reste et s’intensifie dans le lieu d’origine, conquiert de nouveaux lieux dans les périodes suivantes (Cliff, Ord et al., 1981 ; Daudé, 2002). On note deux formes de diffusion par expansion : la diffusion par contagion et la diffusion par hiérarchie. Dans la diffusion par contagion, le phénomène se répand comme une tache d’huile par un contact direct entre transmetteur et récepteur. La diffusion par hiérarchie est l’expansion du phénomène à partir des personnes clés ou du centre vers les populations ou la périphérie. Il s’agit d’une propagation à travers un ordre séquentiel de classes ou de lieux. La diffusion par relocalisation est un processus d’expansion spatiale d’un phénomène, mais ce dernier disparaît du lieu d’origine à mesure qu’il colonise de nouveaux espaces. C’est le cas des feux de brousse. Dans la présente étude, nous considérons la diffusion spatiale comme un processus d’expansion spatiale, car le sanio se maintient en général dans les lieux qu’il conquiert et continue de gagner de nouveaux territoires. L’accent sera mis ici sur la dimension spatiale et la dimension temporelle, ainsi que sur le lien entre les deux, puisque la diffusion spatiale est un processus spatio-temporel.
7La question de la diffusion spatiale a été abordée par de nombreux auteurs. Certains insistent sur les déterminants de la diffusion (Allaire, Cahuz et al., 2011 ; Vitali, Billari, 2015). D’autres mettent l’accent sur l’identification des formes de diffusion spatiale (De Lima, 2004 ; Foltête, 2003) ou privilégient la prédiction ou la simulation de la propagation des phénomènes dans l’espace (Cliff, Haggett et al., 1981 ; Hägerstrand, 1973 ; Assalin, Segura, 2004). Certes, il est important de connaître les facteurs de diffusion spatiale des phénomènes afin de mieux comprendre les processus de diffusion à l’œuvre. Il est aussi utile de prédire ou de simuler la diffusion spatiale pour mieux définir des stratégies d’actions futures, ou encore d’approfondir la connaissance des processus à l'œuvre. Toutefois, les études sur les facteurs de diffusion spatiale ou la prédiction de la diffusion spatiale nécessitent des données exhaustives sur les attributs spatiaux (localisation, position géographique, accès aux marchés…) et sémantiques (caractéristiques économiques, socioculturelles et biophysiques) des lieux qui, malheureusement, sont indisponibles dans le cas présent. Les données disponibles n’autorisent que l’analyse des formes de diffusion spatiale. Aussi, nous avons opté pour la description de l'évolution des formes de diffusion spatiale du sanio. Il s'agit notamment de décrire l'évolution du centre de gravité, de l'étendue, de la dispersion, de l'orientation du semis des villages adoptant cette culture, et de tester le rôle de la proximité spatiale et de la proximité spatio-temporelle dans la diffusion du sanio. L’intérêt de cette approche est de permettre de révéler les disparités spatiales dans l’adoption de cette céréale, d’apprécier les relations spatiales et temporelles entre lieux de présence du sanio et d'inférer sur les processus spatiaux à l’œuvre.
8Notre travail a donc pour objectif principal d'analyser les formes de diffusion spatiale du sanio dans le sud-ouest du bassin arachidier du Sine (centre du Sénégal) à travers les stratégies développées par les paysans pour faire face aux changements climatiques.
9Notre zone d’étude est constituée de 18 communes rurales réparties entre les régions de Fatick, de Diourbel et de Thiès (figure 1). La majeure partie de cette zone se trouve dans la région de Fatick, notamment dans le département du même nom qui compte 11 communes. Les communes des zones salées (insulaires) de ce département (figure 1) ont été exclues de l’étude car elles sont impropres à la culture du sanio. Dans les régions de Diourbel et de Thiès, on note respectivement 5 et 2 communes. Soumise à un climat semi-aride de type soudano-sahélien, cette zone enregistre des températures élevées (28,1° C en moyenne à Bambey sur la période 1980-2013) et une faible pluviométrie (512, 474 et 546 mm respectivement à Bambey, Niakhar et Fatick) sur la même période. La saison pluvieuse est comprise entre mi-juin et fin septembre.
Figure 1 : Présentation de la zone d’étude
10Les données utilisées proviennent de deux sources. La première concerne les enquêtes IRD en 2015 et 2016, au cours desquelles nous avons interrogé tous les 665 villages que compte notre zone d'étude (figure 2). Il s'agit d'un inventaire des villages ayant adopté ou repris le sanio durant la période de référence (1997-2015), pendant laquelle nous avons recueilli les coordonnées géographiques en XY de chaque village, interrogé tous les chefs de villages ou leurs adjoints sur la présence ou non du sanio, la date d’apparition/réapparition du sanio, le cas échéant. Ces cibles ont été choisies car elles sont souvent informées sur tout ce qui concerne leur village. Quant à la deuxième source, elle renvoie aux statistiques fournies par l'Agence Nationale de l'Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal (ANACIM). Il s'agit de moyennes pluviométriques annuelles calculées à partir des relevés pluviométriques effectués dans les stations pluviométriques de la zone d'étude (figure 2) entre 1997 et 2015 par ladite agence. Ces deux sources n'ont pas permis d'avoir des données sur les effectifs de paysans ayant adopté le sanio, ni sur les aspects socio-économiques et pédologiques.
11Les données recueillies ne sont pas exhaustives et ne permettent donc pas de mesurer l'ampleur de la présence du sanio, ni de faire une analyse approfondie des facteurs de diffusion spatiale de cette céréale. Ce qui peut limiter la portée des résultats.
Figure 2 : Villages de la zone d'étude
12L'objectif consiste à suivre l'évolution du déplacement du semis de villages adoptant le sanio, mesurer la dispersion spatiale globale de ces villages et visualiser l'orientation de ce semis. Pour ce faire, nous avons utilisé les mesures centrographiques, notamment le point moyen, la distance standard et l’ellipse de dispersion (figure 3). Elles permettent d’afficher globalement les changements dans la répartition spatiale d’un phénomène (Lefever, 1926 ; Louder, Bisson, La Rochelle, 1974), en renseignant sur le degré de concentration ou de dispersion spatiale et l'orientation de celui-ci sur différentes périodes.
13Le point moyen a été utilisé pour suivre l'évolution du déplacement du semis des villages adoptant le sanio, car il permet de résumer la distribution spatiale. Ses coordonnées xg et yg se calculent de la manière suivante :
14Avec, N : nombre de points ; xi : longitude du point i donné ; yi : latitude du point i donné.
15Certes les mesures centrographiques produisent des indicateurs qui peuvent être projetés sur une carte et permettent ainsi de visualiser la direction préférentielle de la distribution spatiale des villages adoptant le sanio. Toutefois, elles n'autorisent pas la confirmation statistique de l'existence de cette direction. C'est pourquoi, nous avons eu recours à la statistique directionnelle (figure 3). Son utilisation nécessite trois étapes successives. D’abord, nous avons divisé la zone d’étude en 8 secteurs angulaires représentant 8 directions cardinales, à partir du point moyen du semis de villages ayant toujours cultivé le sanio, considéré comme foyer principal potentiel (foyer originel) de diffusion de la plante. Même s’il y a plusieurs petits foyers potentiels de diffusion, nous avons supposé qu'il existait un foyer principal potentiel de diffusion localisé au centre de gravité du semis des villages ayant toujours cultivé le sanio. Cette hypothèse est pertinente, car le point moyen résume le semis des villages. Ensuite, dans chaque direction et pour chaque période, nous avons dénombré les nouveaux villages adoptant le sanio. En effet, pour certaines années, l'effectif de villages adoptant la céréale est très faible. Seule cette agrégation permet d'avoir un effectif suffisant pour faire des analyses statistiques fiables. Enfin, un test du khi-deux (Gaile, Burt, 1980 ; Jammalamadaka, Sengupta, 2001) a été utilisé pour confirmer statistiquement l'existence d'au moins une direction privilégiée de la diffusion du sanio. Son équation est :
,
Avec, (effectif théorique), E = effectif total de l'échantillon, fi = effectif observé dans la direction i et C = nombre de catégories.
16Les mesures centrographiques et la statistique directionnelle permettent de décrire l'évolution de la distribution spatiale globale des villages adoptant le sanio. Toutefois, ces mesures globales présentent des limites, car elles ne permettent pas de tester statistiquement le rôle de la proximité spatiale et de la proximité spatio-temporelle dans la diffusion de cette plante.
17Pour tester le rôle de la proximité spatiale dans la diffusion d'un phénomène, plusieurs méthodes ont été développées, parmi lesquelles, on peut noter : les méthodes de détection de tendance locale à l’agrégation du phénomène autour d’une source potentielle (Bithell, 1995 ; Chirpaz, Colonna, Viel, 2004 ; Diggle, Morris et al., 1997), les méthodes de détection de tendance globale à l’agrégation de cas sans connaissance a priori d’une source potentielle (Anderson, Titterington, 1997 ; Tango, 2002) et les méthodes de détection de tendance locale d’agrégats, sans spécification a priori d’une source (Anselin, 1995 ; Getis, Ord 1992 ; Gaudart, Poudiougou et al., 2005). Les méthodes de détection de tendance locale d’agrégats de cas autour d’une source potentielle n’ont pas été retenues, car les sources potentielles de diffusion sont multiples. Les méthodes de détection de tendance globale d’agrégation de cas, sans spécification a priori d’une source potentielle, n'ont également pas été utilisées, car elles supposent l’homogénéité du processus spatial, ce qui n’est pas toujours le cas. C'est pourquoi, nous avons choisi les méthodes de détection de tendance locale d’agrégats sans spécification a priori d’une source, qui tiennent compte de l’hétérogénéité du processus spatial. Il s'agit notamment des indicateurs locaux d’association spatiale (Anselin, 1995) qui permettent de déterminer et de visualiser les types d'association spatiale locale. Leur formule est :
Avec, xi : valeur prise par l'observation xi ; xj : valeur prise par l'observation voisine xj ; : moyenne de la variable x ; wij : poids spatial.
18Pour déterminer le rôle de la proximité (dépendance) spatio-temporelle dans la propagation d'un phénomène, on a souvent recours au partage des données en une série de vues figées de périodes comme dans les travaux de Bocquet-Appel et Jakobi (1998) se fondant sur le test de Knox, ou aux statistiques de balayage spatial développées par Kulldorff (1997). Cependant, ces méthodes présentent des limites, car elles ne permettent pas de révéler les types d'association spatio-temporelle locale. C'est pourquoi, nous avons utilisé les indices de Moran locaux d'association spatio-temporelle inspirés de Wartenberg (1985). Ils permettent de déterminer les types d’association spatio-temporelle locale (Allaire, Cahuzac et al., 2014), ainsi que leur niveau de significativité statistique. Ces indices peuvent aussi être visualisés sur une carte. Leur formule (Allaire, Cahuzac et al., 2014) est la suivante :
Avec, xi,t-k : valeur prise par l'observation xi au temps t-k ; xj,t : valeur prise par l'observation voisine xj au temps t ; wij : poids spatial ; : moyenne de la valeur x au temps t-k ; : moyenne de la variable x au temps t ; STI : Indicateur local d'association spatio-temporelle.
19Afin de déterminer l’échelle optimale de recherche des poids spatiaux nécessaires au calcul des indicateurs locaux d'association spatiale ou spatio-temporelle, nous avons utilisé l’autocorrélation spatiale incrémentielle, qui est une mesure de l’autocorrélation spatiale par classe de distances ; elle indique pour chaque classe de distances, l’indice de Moran, la variance, la valeur centrée-réduite (score z) et la valeur p associée. La valeur p désigne la probabilité que le hasard puisse expliquer à lui seul une différence au moins aussi importante que celle observée entre au minimum deux variables. Les scores z indiquent l’intensité de l’agrégation spatiale du phénomène. Les pics de score z statistiquement significatifs montrent les distances pour lesquelles l’agrégation spatiale est plus forte (meilleures échelles d'analyse).
20Pour tenir compte de l'influence probable des fortes variations de densité de villages sur les valeurs des indicateurs à calculer, nous avons utilisé le taux d'incidence des villages adoptant le sanio à la même échelle (hexagones de 5 km de côté). Ce taux a été calculé en rapportant l'effectif de nouveaux villages adoptant le sanio au nombre total de villages, au niveau de chaque maille hexagonale, pour chaque période. Le taux d'incidence a été préféré au taux de prévalence, car nous voulons saisir les évolutions de façon dynamique.
21La démarche globale pour les choix des méthodes utilisées pour décrire les formes de distribution spatiale du sanio est résumée dans la figure 3.
Figure 3 : Démarche méthodologique globale
22Les résultats ont révélé que 91 villages ont déclaré avoir toujours cultivé le sanio, 255 avoir adopté ou repris cette culture et 319 ne pas l'avoir adopté ou repris. Ils montrent également la complémentarité des méthodes d'appréhension utilisées : mesures centrographiques, statistique directionnelle, indicateurs locaux d'association spatiale ou indices de Moran locaux d'association spatio-temporelle. Si la première a permis de mesurer la dispersion spatiale globale et de visualiser la direction préférentielle de la distribution spatiale des villages adoptant le sanio, la seconde a autorisé la confirmation statistique de l'existence de cette direction. La troisième et la quatrième ont conduit respectivement à tester statistiquement le rôle de la proximité spatiale et celui de la proximité spatio-temporelle dans la diffusion du sanio.
23L'analyse de la propagation dans le temps se fait souvent à travers le suivi du taux d'adoption, c'est-à-dire le nombre d'individus adoptant le sanio par période, rapporté à la population totale. Ne disposant pas de cette donnée, nous avons utilisé le nombre de villages adoptant le sanio. On note une corrélation temporelle forte entre la pluviométrie et le nombre de villages adoptant le sanio (coefficient de corrélation de 0,65), ainsi qu'une tendance globale à l'augmentation du nombre de villages l'adoptant dans le temps (figure 4).
Figure 4 : Évolution du nombre de villages adoptant le sanio et de la pluviométrie
24L'analyse de l'évolution de la diffusion spatiale du sanio est faite par période quinquennale, à travers une mise en perspective avec les phases définies dans le modèle de diffusion des innovations proposé par Pumain et Saint-Julien (2001). Dans la période 1997-2001, on observe un démarrage timide où seulement 28 villages (soit 7 nouveaux villages adoptants par an en moyenne) ont choisi le sanio : c'est la phase primaire de la diffusion. Cette phase se poursuit durant la période 2002-2006, où le sanio continue son expansion au centre, au sud-est et au nord-est, comme l'illustre l'accroissement de l'aire d'expansion par rapport à la période précédente ; mais cette expansion est de faible ampleur (figure 5). Entre 2007 et 2011, c’est la phase d’accélération de l’expansion spatiale du sanio qui réinvestit surtout le centre et le sud-est (figure 5) ; le nombre de nouveaux adoptants par an grimpe très vite pour atteindre une moyenne proche de 18. De 2012 à 2015, le sanio poursuit son extension spatiale, surtout au centre et au sud-est ; c'est la phase de concentration où le nombre de nouveaux adoptants par an atteint 24 en moyenne et les contrastes spatiaux en termes de densité d'adoptants commencent à s'atténuer (figure 5). Ainsi à la différence du modèle de Pumain et Saint-Julien (2001) qui définit quatre phases, nos résultats révèlent seulement les trois premières. Cela signifie que le sanio continue de se propager dans l'espace à un rythme très important.
25On retrouve les fortes densités de villages adoptant le sanio au centre de la zone d'étude, quelle que soit la période considérée (figure 5). Ce constat est confirmé par la localisation des points moyens des villages adoptants (figure 6). Ces villages se retrouvent aussi au sud-ouest et au sud-est, mais avec des densités plus faibles (figure 5). À l'opposé, le nord et le sud sont presque vides de sanio ; ils constituent des zones de barrière à la diffusion de la plante (figures 1 et 6).
26Les résultats montrent une tendance globale de la distribution spatiale des villages adoptant le sanio à être orientée ouest-nord-ouest/est-sud-est, comme l'illustrent les ellipses de dispersion (figure 6). Toutefois, on ne sait pas si ces directions sont statistiquement significatives. C'est ce que permettent de savoir les résultats du test du khi-deux contenus dans le tableau 1. Ces derniers confirment l’existence d'au moins une direction privilégiée pour la diffusion du sanio.
Figure 5 : Évolution de la répartition spatiale des villages ayant adopté le sanio
Figure 6 : Synthèse de l'évolution de la distribution spatiale du sanio
Tableau 1 : Évolution du nombre de villages ayant adopté le sanio selon la direction
Périodes
|
Effectifs observés
|
Khi-deux
|
Nord Nord-est
|
Est nord-est
|
sud sud-est
|
Est sud-est
|
sud sud-ouest
|
Ouest sud-ouest
|
Nord nord-ouest
|
nord nord-ouest
|
Total
|
1997-2001
|
1
|
1
|
5
|
4
|
1
|
8
|
5
|
3
|
28
|
42*
|
2002-2006
|
4
|
6
|
5
|
2
|
4
|
5
|
8
|
2
|
36
|
39*
|
2007-2011
|
12
|
11
|
8
|
19
|
1
|
10
|
12
|
19
|
92
|
100*
|
2012-2015
|
12
|
11
|
11
|
28
|
3
|
15
|
11
|
8
|
99
|
117*
|
1997-2015
|
29
|
29
|
29
|
53
|
9
|
38
|
36
|
32
|
255
|
298*
|
*Significatif à 5 %, pour un ddl=7 et un khi-deux théorique=14,067
27Les résultats montrent que la vitesse de déplacement du centre gravité du semis de villages adoptant le sanio tend à baisser dans le temps. Ainsi dans la période 1997-2001, le centre de gravité du semis des villages adoptant le sanio s'est déplacé de 5,7 km vers le sud-ouest par rapport à la période précédente, soit une vitesse de 1,14 km par an. Dans la période 2002-2006, il s'est déplacé de 4,7 km, soit une vitesse de 0,94 km par an. La baisse de la vitesse a continué durant les périodes suivantes, comme l'indique le tableau 2.
Tableau 2 : Évolution des indicateurs globaux de la distribution spatiale des villages adoptants
Paramètres
|
Depuis toujours
(1)
|
1997-2001
(2)
|
2002-2006
(3)
|
2007-2011
(4)
|
2012-
2015
(5)
|
Écarts moyens annuels entre les différentes périodes†
|
Écart moyen sur la période
1997-2015
|
1-2
|
2-3
|
3-4
|
4-5
|
Distance standard (km)
|
14,71
|
16,24
|
15,65
|
16,86
|
19,09
|
0,31
|
-0,12
|
0,242
|
0,446
|
0,22
|
Ellipse de dispersion
|
Aire (km2)
|
642
|
649,8
|
721,05
|
840,3
|
1074,3
|
7,56
|
14,25
|
23,85
|
84,9
|
32,64
|
Ratio Axe long / axe court
|
1,6
|
2,06
|
1,44
|
1,42
|
1,43
|
0,09
|
-0,12
|
-0,28
|
0,025
|
-0,0022
|
Vitesse moyenne annuelle de déplacement du point moyen (km/an)
|
NA
(non applicable)
|
1,14
|
0,94
|
0,67
|
0,53
|
1,14
|
-0,20
|
-0,28
|
-0,13
|
0,134
|
†Calculés en rapportant la différence entre les périodes considérées au nombre d’années entre ces dernières
28Conçue à partir des indices locaux de Moran calculés sur la base des taux d'incidence des villages adoptant le sanio à l’échelle d'hexagones de 5 km de côté, la figure 7 apporte, à la différence de la figure 6, des approfondissements sur le rôle de la proximité spatiale sur la diffusion du sanio. Elle révèle quatre types d'association spatiale locale significative. Le premier représente les hexagones avec un taux d'incidence élevé des villages adoptant le sanio entourés d'hexagones avec un taux d'incidence élevé (hexagones rouges). Le deuxième type désigne les hexagones avec un taux d'incidence faible entourés de voisins avec un taux d'incidence faible (hexagones bleu foncé). Ces deux types expriment l'association dans l'espace des hexagones ayant des taux d'incidence semblables. Le troisième type montre les hexagones avec un taux d'incidence faible entourés d'hexagones avec un taux d'incidence élevé (hexagones bleu clair). Le quatrième type indique les hexagones avec un taux d'incidence élevé entourés d'hexagones avec un taux d'incidence faible (hexagones rouge clair). Ces deux derniers types désignent une association dans l'espace des hexagones ayant des taux d'incidence dissemblables. Les hexagones gris montrent les zones de distribution spatiale aléatoire des villages adoptant le sanio.
29L'analyse par période permet de faire le constat suivant. Dans la période 1997-2001, on note que les types d'association spatiale locale sont par ordre d'importance : le deuxième avec 46 hexagones (27,38 %), le troisième avec 21 hexagones (12,5 %) et le premier avec seulement 12 hexagones (7,14 %). On observe dans la période 2002-2006, une augmentation du nombre d'hexagones du premier type et une baisse de ceux du deuxième et du troisième type d'association spatiale locale par rapport à la période 1997-2001 (figures 5a et 5b). Les hexagones avec un fort taux d'incidence des villages adoptant le sanio continuent de s'agglomérer au centre et s'étendent vers l'est et le sud-ouest. Entre 2007 et 2011, le phénomène d'agglomération des hexagones avec un fort taux d'incidence des villages adoptant le sanio se poursuit surtout au centre et se propage au sud-est. Durant la période 2012-2015, les zones d'agglomération de villages adoptant le sanio persistent toujours au centre et au sud-est, mais sont plus dispersées dans l'espace.
30Certes, ces résultats ont permis de révéler la proximité spatiale comme principal canal de diffusion du sanio, notamment au centre et au sud-est de la zone d'étude. Néanmoins, ils peuvent être enrichis en testant la dépendance (proximité) spatio-temporelle dans la diffusion du sanio.
31Pour tester la dépendance spatio-temporelle de la diffusion du sanio, nous avons eu recours aux indices de Moran spatio-temporels (globaux et locaux) calculés sur la base des taux d'incidence des villages adoptant le sanio à l’échelle des hexagones de 5 km de côté. Les résultats montrent que tous les indices globaux sont positifs et statistiquement significatifs (tableau 3), révélant ainsi une probable diffusion du sanio par contagion. Ce processus de diffusion est plus intense au centre et au sud comme le révèle la figure 8. Pour faciliter la lecture de cette figure, nous avons jugé utile de définir les codes des couleurs des hexagones. La couleur rouge montre les hexagones avec un fort taux d'incidence des villages, adoptant le sanio à une période donnée, qui s'associent avec des voisins ayant un fort taux d'incidence dans la période suivante. La couleur bleu foncé indique la présence d'hexagones avec un faible taux d'incidence à une période donnée, qui s'associent avec des voisins ayant un faible taux d'incidence dans la période suivante. La couleur bleu clair montre les hexagones avec un taux d'incidence faible pendant une période donnée, entourés de voisins avec un taux d'incidence élevé dans la période suivante. La couleur grise désigne les zones de distribution spatio-temporelle aléatoire de villages adoptant le sanio.
Tableau 3 : Indices de Moran spatio-temporel globaux
Périodes croisées
|
Indice global
|
Z
|
p-value
|
1997-2001 vs 2002-2006
|
0,12
|
6,18
|
0,001
|
2002-2006 vs 2007-2011
|
0,06
|
4,34
|
0,001
|
2007-2011 vs 2012-2015
|
0,06
|
4,34
|
0,001
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32La figure 8 indique l'association spatio-temporelle d'hexagones avec un fort taux d'incidence des villages adoptant le sanio entre la période 1997-2001 et celle de 2002-2006, notamment au centre de la zone d'étude ; il y a une tendance au maintien des grappes d'association spatio-temporelle entre ces deux périodes. Entre la période 2002-2006 et celle de 2007-2011, ces grappes demeurent toujours au centre, mais connaissent une extension vers le sud-est. Dans l'intervalle temporel suivant [(2007-2011) et (2012-2015)], ces grappes se maintiennent toujours au centre, poursuivent leur progression vers le sud, mais voient leur taille diminuer. Les grappes d'association spatio-temporelle entre les hexagones avec un faible taux d'incidence et des voisins ayant un faible taux d'incidence se retrouvent surtout au nord et au sud de la zone d'étude, où le sanio est presque absent. La présence des hexagones bleu clair révèle les zones de discontinuités spatio-temporelles de la diffusion du sanio. Les hexagones gris sont nombreux et se retrouvent un peu partout (figure 8). Leur présence indique une distribution spatio-temporelle aléatoire. En résumé, ces résultats montrent que le rôle de la proximité spatio-temporelle dans la propagation du sanio est plus intense au centre et au sud-est de la zone d'étude.
Figure 7 : Grappes de diffusion spatiale entre 1997 et 2015
Figure 8 : Grappes de dépendance spatio-temporelle
33Nos résultats ont révélé une forte influence de la pluviométrie sur le rythme de propagation du sanio, trois grandes phases de diffusion de cette céréale, une forte concentration des villages l'adoptant au centre, une distribution spatiale orientée ouest-nord-ouest/est-sud-est, un rôle notable de la proximité spatiale et une dépendance spatio-temporelle dans la diffusion plus intenses au centre et au sud-est de la zone d'étude. Nous allons maintenant les interpréter au regard des acteurs, de leurs stratégies et relations, ainsi que des éléments qui favorisent la diffusion spatiale du sanio ou y font obstacle.
34Le rythme de propagation du sanio dans le temps est déterminé en grande partie par l'évolution pluviométrique comme l'ont aussi révélé les travaux de Muller, Lalou et al. (2015). Ces travaux confortent donc nos résultats. Certes, le niveau des précipitations est un facteur important, mais il doit être relativisé. En effet, il existe d'autres facteurs parmi lesquels on peut citer l'offre en céréales en Afrique de l'Ouest qui a connu, sous l'effet d'une urbanisation importante, une croissance forte. Ainsi, on note une augmentation de la production en céréales de l'ordre de 4,6 % par an ces trente dernières années (Grain de sel, 2011). Au Sénégal, le développement des cultures céréalières dont le sanio est lié à une hausse des prix réels de la plupart des céréales, une baisse du revenu réel des paysans et de l'apport de l'État dans la fourniture des engrais et des semences aux paysans (FAO, CSE, 2007). Il est également favorisé par l'accroissement des pratiques de stockage des produits vivriers (mil, mais) pour l’autoconsommation et la vente (Basquin, Charhon et al., 2014).
35La localisation du centre de gravité des villages adoptant le sanio au centre de la zone d'étude et son faible déplacement autour de ce dernier révèlent l'influence des petits foyers originels sur la diffusion spatiale de cette céréale. Le dynamisme de ces foyers peut s’expliquer par la proximité du centre historique du peuple serer, Diakhao, ex-capitale du Sine. Dans cette zone, considérée comme le territoire traditionnel du sanio, les paysans semblent encore avoir gardé en mémoire le sanio, une des cultures les plus anciennes. Sa présence mineure au nord peut être liée à la faible perceptibilité des résultats de la pratique de sa culture, ainsi qu'à la faible compatibilité de la pratique de cette culture avec les valeurs, expériences et besoins de la plupart des paysans. En effet, on note une plus grande présence de l’activité pastorale dans cette partie où les paysans, pour pouvoir introduire plus tôt leur bétail dans les champs, préfèrent le mil à cycle court au sanio ; les avantages relatifs de la culture du sanio par rapport aux autres activités agropastorales auxquelles cette dernière doit se substituer sont donc réduits. Ainsi, Muller et al. (2015) ont montré que la pratique de l'embouche diminue les chances du paysan de cultiver le sanio. Par ailleurs, ce secteur, du fait de sa proximité avec Touba, subit l’influence du mouridisme marquée notamment par l’abandon, par de nombreux paysans, des pratiques traditionnelles serer comme la culture du sanio. Au sud, au contraire, la faible expansion de la plante pourrait être liée, outre l'éloignement des petits foyers originels, à la présence du sel, minéral hostile au développement de cette culture.
36Pour tenter de comprendre les directions du processus de diffusion du sanio, il nous paraît important de prendre en compte l'effet de l'organisation spatiale des routes, des relations sociales entre villages, de la distribution spatiale des marchés ruraux hebdomadaires et des villages ayant toujours cultivé le sanio. Ainsi, on observe que les ellipses de dispersion des nouveaux villages adoptant le sanio ont quasiment la même direction que celles des villages ayant toujours cultivé le sanio (figure 6). On peut dire qu'il existe un lien entre la distribution spatiale des villages ayant toujours cultivé le sanio et la direction de propagation spatiale de la céréale. Ce lien s'est formé notamment à travers les échanges entre les villages ayant toujours cultivé le sanio et les nouveaux villages l'adoptant.
37Au contraire, l'organisation spatiale des routes et la distribution spatiale des marchés ruraux hebdomadaires n'ont aucun lien avec la direction du processus de diffusion spatiale du sanio. En effet, l'essentiel des déplacements intrazones se fait à pied (77 %) et par charrette (20 %) (Diouf, 2018). Cela signifie que les voies de communication utilisées sont principalement des pistes de production qu'on retrouve un peu partout dans la zone d'étude. La comparaison de la carte des ellipses de dispersion des semis de villages adoptant le sanio avec celle des villes et des marchés ruraux hebdomadaires ne révèle aucun lien entre l'orientation de ces ellipses et la localisation de ces marchés et de la ville de Touba. Pour ce qui concerne les relations sociales entre villages, nous ne disposons d'aucune donnée pour en évaluer l'effet.
38Les acteurs de la diffusion spatiale du sanio sont les paysans qui ont montré leur capacité de réaction face aux changements climatiques. Les résultats de l'étude ont révélé que même en l'absence d'un appui extérieur ou d’un encadrement, les paysans sont capables d'innover pour s'adapter aux variations des conditions climatiques. Ainsi, se fondant sur les échanges de proximité et les pratiques culturales ancestrales, les paysans ont réussi à propager le sanio dans l'espace, notamment au centre et au sud-est de notre zone d'étude.
39On note une diversité de formes de diffusion spatiale du sanio, révélatrice des différences de réponse des paysans à l’introduction de la plante dans la zone d’étude, des niveaux de son intégration dans l’organisation de la production agricole et l'espace : ces niveaux sont plus élevés au centre et au sud-est et plus faibles au nord et au sud. Elle suggère l’existence de plusieurs processus spatiaux à l’œuvre : processus de contagion, processus aléatoire et processus hiérarchique. Ceci traduit l’hétérogénéité de l’espace et des pratiques des paysans du bassin arachidier du Sine, alors que ce territoire a longtemps été considéré comme homogène par certains auteurs comme Lericollais (1999). La configuration dans l'espace des grappes d'association spatiale locale ou d'association spatio-temporelle des villages adoptant le sanio indique les discontinuités spatiales de la diffusion de la céréale, qui elles-mêmes sont révélatrices de barrières à sa diffusion dans l'espace ou l'espace-temps.
40Du point de vue méthodologique, les travaux de Allaire, Cahuzac et al. (2014) sur la conversion à l’agriculture biologique en France, de Rey (2011), ont aussi révélé l’avantage des indicateurs locaux d’association spatio-temporelle : mise en évidence des zones d’interaction entre l’espace et le temps, choix non arbitraire des intervalles temporels et des pas de distances. De même, les travaux de Assalin et Segura (2004) sur la diffusion spatiale des patronymes de la moyenne vallée du Rhône (France) depuis 1891 ont permis de mettre en évidence le déplacement des zones de polarisation des patronymes dans l’espace suivant les différentes périodes. Cette mise en perspective de nos résultats avec ceux d'autres études montre que nos méthodes ont une portée générale, puisqu'elles ont été appliquées dans une pluralité de contextes et de thématiques, avec des résultats comparables.
41L’originalité de notre étude est d’avoir utilisé une approche combinant plusieurs méthodes d’analyse spatiale et spatio-temporelle ayant produit des résultats divers et complémentaires. Ces derniers confirment la pertinence de nos choix méthodologiques. Cette étude a permis de contribuer à la connaissance des phénomènes de diffusion spatiale dans le bassin arachidier en lien avec les changements climatiques, puisqu’à notre connaissance aucune étude de ce genre n’a encore été menée dans cette zone.
42L’objectif de ce travail consistait à mettre en évidence les formes de diffusion spatiale du sanio. Cet objectif a été atteint, car au terme de notre étude, nous pouvons retenir les enseignements suivants. Nos résultats ont renseigné sur le rythme de propagation du sanio, les directions privilégiées de sa répartition, les zones de barrière à sa diffusion, ainsi que l'influence des foyers originels sur les formes de sa diffusion spatiale. Le suivi de l'évolution des grappes spatiales et des grappes spatio-temporelles a permis de mieux caractériser le rôle de la proximité spatiale et de celui de la proximité spatio-temporelle.
43Comme celle de Audouin et Gazull (2014) sur la diffusion de l'anacarde au Burkina Faso, notre étude révèle que les stratégies d'innovation face aux changements climatiques dépendent notamment du type d'acteurs et des fonctions du système d'innovation. Dans notre cas, les acteurs sont les paysans du sud-ouest du bassin arachidier du Sine. Le lien entre ces acteurs est plus fort au centre et au sud-est, où se trouve la majorité des villages ayant toujours cultivé le sanio. Les fonctions ayant un impact positif sur la diffusion de cette céréale sont la pluviométrie abondante, la forte demande en céréales, la grande utilité des tiges, la force des coutumes et le goût meilleur de cette céréale. Celles qui constituent un obstacle à la diffusion du sanio sont le déficit pluviométrique, le sol salé et les pratiques peu favorables à sa culture (activités pastorales, coutumes constatées surtout au nord de la zone d'étude).
44Nos résultats peuvent être utiles pour les politiques agricoles. En effet, le repérage des différents types d’agrégats spatiaux et spatio-temporels, et la mise en évidence des directions privilégiées de la diffusion spatiale du sanio, fournissent des informations nécessaires à la correction des disparités spatiales dans l’adoption des innovations notamment l’acceptation de la plante, à l’amélioration de l’organisation spatiale et temporelle de sa production.
45Ce travail constitue une avancée méthodologique certaine, dans la mesure où il s'appuie sur une approche combinant plusieurs méthodes d'analyse permettant de produire des résultats riches et complémentaires. Cette approche méthodologique peut donc être réutilisée pour d'autres cas en Afrique afin de produire des comparaisons très fertiles.
46Privilégiant une approche exploratoire et méthodologique, notre étude constitue une première étape encourageante pour l’analyse de la diffusion spatiale du sanio. Néanmoins des améliorations doivent être faites pour mieux comprendre ce phénomène. Ainsi, notre étude ouvre des pistes de recherche pour mesurer l’intensité des effets de barrière à la diffusion spatiale du sanio, mieux caractériser les processus, ses réseaux de diffusion spatiale et identifier les facteurs de diffusion spatiale aux niveaux individuels et collectifs.