Mésothéliomes pleuraux malinsMalignant pleural mesothelioma

https://doi.org/10.1016/S1877-1203(16)30034-9Get rights and content

Résumé

Le mésothéliome malin est une tumeur rare et agressive développée au niveau des séreuses, essentiellement de la cavité pleurale. Une exposition antérieure à l'amiante, surtout professionnelle, est le principal facteur de risque de mésothéliome malin. Les signes cliniques sont les plus souvent tardifs et non spécifiques. Le scanner thoracique, examen clé, montre classiquement une pleurésie (unilatérale) associée à des épaississements pleuraux. Les autres techniques, tels la tomographie par émission de positons (TEP), couplée au scanner, l'imagerie par résonance magnétique thoracique ou les biomarqueurs sanguins ou pleuraux dont la mésothéline soluble, ne sont pas recommandées à ce jour pour le diagnostic du mésothéliome pleural malin (MPM). Le diagnostic est donc basé sur l'histologie avec une étude immuno-histochimique obligatoire des biopsies pleurales obtenues idéalement par thoracoscopie. Le traitement du mésothéliome malin repose essentiellement sur la chimiothérapie par cisplatine-pémétrexed en 1re ligne avec peu d'options en cas de progression. La pleurectomie/décortication (P/D) est désormais préférée à la pneumonectomie extra-pleurale, quasiment abandonnée, mais la chirurgie reste recommandée dans le cadre d'essais cliniques de même que la radiothérapie thoracique adjuvante. L'irradiation prophylactique des orifices de drains thoraciques ou chirurgicaux, validée en France, est cependant discutée au niveau international. Cependant, de multiples essais évaluent actuellement de nombreuses thérapies ciblées et l'immunothérapie antitumorale, ainsi que des traitements intrapleuraux peropératoires. De ce fait, suite aux récents résultats positifs de l'essai français MAPS, un nouveau standard de chimiothérapie de 1re ligne incluant le bévacizumab pourrait bientôt s'imposer pour certains patients, voire pour tous, avec un mésothéliome non résécable. L'optimisation des soins et l'accélération des études de recherche seront aussi favorisées par la mise en place du réseau national de centres experts cliniques du MPM (MESOCLIN), associé au réseau expert anatomopathologique (MESOPATH) et l'Institut national de veille sanitaire (INVS) dans le projet de MESOBANK nationale au service de tous.

Abstract

Malignant mesothelioma is a rare and aggressive tumor issued from the mesothelial surface, essentially of the pleural space. A previous (mainly occupational) exposure to asbestos is the main risk factor of mesothelioma. Clinical signs are most of time late and unspecific. Chest CT-scan, a key procedure, usually shows (unilateral) pleurisy associated with pleural thickening. Other procedures such as PET-scan associated with CT-scan, chest resonance magnetic imaging and blood or pleural fluid biomarkers, including soluble mesothelin are not recommended for the diagnosis of malignant mesothelioma in routine. Therefore the diagnosis of mesothelioma is based on histology with compulsory immunohistochemistry study on pleural biopsies best obtained by thoracoscopy. The treatment relies mostly on first-line chemotherapy by cisplatin-pemetrexed with very few options in case of progression. Pleurectomy/decortication becomes currently preferred compared to extrapleural pneumonectomy (almost stopped) but any surgery with curative intent in mesothelioma is not recommended yet outside a clinical trial, as well as adjuvant chest radiotherapy. Prophylactic irradiation of chest scars and drains, validated in France, is however highly discussed by international experts. However, many clinical trials presently assess the value of targeted therapies and anti-tumor immunotherapy, as well as intraoperative pleural treatments in mesothelioma, bringing new hopes in the management of this cancer. Thus, following the recent and positive results of the French trial MAPS, a new standard of first-line chemotherapy including bevacizumab may soon emerge for patients with unresectable mesothelioma or even for all patients. The optimisation of management and the speeding of research studies will be also enhanced by the establishment of the French national network of expert clinical centres for mesothelioma (MESOCLIN), associated with French pathology expert network (MESOPATH) and the INVS in the new national project MESOBANK dedicated to all patients and actors of this disease.

Introduction

Le MPM est un cancer de mauvais pronostic, relativement rare, développé à partir des surfaces mésothéliales (séreuses) de la cavité pleurale. Plus rarement, le péritoine, voire le péricarde (exceptionnellement la vaginale testiculaire), peuvent être également le site primitif de développement d'un mésothéliome malin [1, 2, 3].

Une exposition antérieure à l'amiante (quel que soit le type de fibres), professionnelle le plus souvent, est reconnue de longue date comme le principal facteur de risque du MPM [2]. En France, l'incidence du MPM est estimée à environ 1 000 cas par an, évaluation qui devrait s'affiner dans le temps avec la mise en place de la déclaration obligatoire de ce cancer depuis 3 ans dans notre pays. Le pic d'incidence de la maladie y est attendu vers 2020, mais pourrait déjà être atteint dans d'autres pays, comme aux États-Unis. L'incidence est nettement plus élevée chez l'homme (> 80 % des cas) que chez la femme, même si on observe une augmentation des cas féminins pour lesquels une exposition professionnelle antérieure à l'amiante est plus difficilement identifiée (90 % chez l'homme et < 50 % des cas chez la femme). Des expositions domestiques ou environnementales, voire une absence d'exposition évidente à l'amiante malgré des interrogatoires poussés, sont alors retenues dans ces cas. La latence moyenne entre l'exposition à l'amiante et le diagnostic du MPM est de 40 ans (15-67 ans); l’âge moyen des patients lors du diagnostic est de 69 ans [3, 4]. L'utilisation de l'amiante est interdite en France depuis le 1er janvier 1997 et dans l'Union européenne depuis 2005, mais l'amiante est encore massivement extrait et/ou utilisé dans les pays émergents et les pays en voie de développement, comme la Chine, l'Inde, le Brésil et nombre de pays d'Asie et d'Afrique. L'exposition à d'autres fibres naturelles (fluoro-édénite) et artificielles (fibres céramiques réfractaires), ainsi qu'aux radiations ionisantes, est un facteur de risque possible mais non prouvé de MPM. L'implication du virus simien SV40 dans la survenue de tumeurs est très discutée mais non prouvée à ce jour. Le tabagisme n'est pas un facteur de risque de mésothéliome malin. Des cas familiaux de MPM sont rapportés dans la littérature mais il n'y avait jusqu’à peu pas de gène identifié prédisposant au MPM. Un premier gène de susceptibilité, BAP-1, a été publié par J. Testa et al. en 2011, d'abord dans des cas familiaux de MPM (et d'autres tumeurs comme le mélanome uvéal …) puis dans des cas sporadiques de mésothéliome, ouvrant de nouvelles pistes diagnostiques et thérapeutiques.

Section snippets

Dépistage et diagnostic du mésothéliome pleural malin

Sur la base des données actuellement disponibles sur le MPM (incidence, pronostic, thérapeutique) et des performances des outils de dépistage envisagés (imagerie scanner, marqueurs biologiques comme la mésothéline ou la fibuline-3 sanguines, etc.), l'intérêt du dépistage du MPM n'est pas démontré à ce jour [1, 3, 4]. Cependant, la mise en évidence d'un possible terrain génétique favorisant, comme BAP-1, et la démonstration d'un risque accru de MPM chez les sujets exposés à l'amiante ayant des

Traitement du MPM

La prise en charge thérapeutique est complexe, controversée en dehors de la 1re ligne de chimiothérapie inchangée depuis 2003, et décevante en l'absence de traitement curatif à ce jour [7]. Il existe cependant de réelles avancées du traitement médical du MPM, très récentes pour certaines, rapportées ci-dessous.

La survie globale des patients avec un MPM est classiquement < 12 mois dans la littérature [2]. Cependant, sauf contre-indications (altération sévère de l’état général, comorbidités,

Chimiothérapie de 1re ligne

Les seules données disponibles avant 2003 proviennent d'essais monocentriques, non randomisés, voire d’études rétrospectives, dont les résultats ont été résumés dans une large méta-analyse. Globalement, quels que soient les différents schémas évalués, les combinaisons de chimiothérapies à base de cisplatine et/ou de doxorubicine donnaient de meilleurs taux de réponse tumorale que les monothérapies [3].

En 2003 [7] puis en 2005, deux essais randomisés de phase III ont démontré la supériorité d'un

Quel traitement au-delà de la 1re ligne de chimiothérapie ?

Les possibilités thérapeutiques sont à ce jour très limitées au-delà d'une 1re ligne standard malgré que près d'un patient sur deux soit cliniquement en état de recevoir un autre traitement. Sur les données de la littérature, un traitement par pémétrexed seul ou plus rarement à nouveau associé au cisplatine ou au carboplatine peut être proposé en cas de progression tumorale au moins 3 à 6 mois après arrêt du traitement de 1re ligne chez les patients qu'ils aient répondu à la chimiothérapie ou

Thérapies ciblées

La pathogenèse du MPM est caractérisée par la surexpression de plusieurs facteurs de croissance (Vascular Endothelial Growth Factor [VEGF], Platelet-Derived Growth Factor [PDGF], Epidermal Growth Factor [EGF], etc.) et leurs récepteurs, la présence d'altérations et/ou de mutations génétiques et épigénétiques des cellules mésothéliales malignes induisant leur prolifération et leur résistance à l'apoptose (p16 INK4A/CDKN2A, BAP-1, NF-2, etc.), une réaction inflammatoire pleurale intense et une

Antiangiogéniques

Le VEGF a un rôle clé dans l'angiogenèse et la lymphangiogenèse tumorale du MPM, et son récepteur est fortement exprimé dans le MPM [10]. Les traitements antiangiogéniques, notamment le bévacizumab (anticorps monoclonaux anti-VEGF), ont ainsi été évalués dans plusieurs essais. Pourtant, les premiers essais étaient négatifs dans le MPM, dont un essai évaluant la thalidomide ou un autre essai de phase II associant le bévacizumab à une chimiothérapie par cisplatine et gemcitabine. D'autres essais

Agents visant à restaurer l'apoptose des cellules tumorales

Parmi les agents visant à restaurer l'apoptose des cellules tumorales, les inhibiteurs du protéasome (bortézomib) ou des histones désacétylases (HDACi) sont également testés dans le MPM [11]. Ainsi, en 2e/3e lignes de traitement, l'association doxorubicine et d'un HDACi, l'acide valproïque, permettait d'obtenir un taux de réponse encourageant de 16 % et une médiane de survie de 6,7 mois avec des extrêmes de 16,7 mois chez les patients répondeurs vs 4,5 mois pour les autres. Cependant, le

Focal Adhesion Kinase (FAK)

La FAK est une tyrosine kinase non associée à un récepteur, jouant un rôle important dans les voies de signalisation/transduction initiées aux sites d'adhérence médiée par les intégrines et par les récepteurs de facteurs de croissance. C'est un facteur clé régulateur de la survie, de la prolifération, de la migration et de l'invasion des cellules tumorales, toutes des éléments impliqués dans le développement et la progression du cancer et favorisant la résistance aux chimiothérapies standard.

Immunothérapie

L'immunothérapie, passive ou active, a pour but de restaurer et activer la réponse immunitaire antitumorale du patient, altérée par différents mécanismes tumoraux, permettant l'obtention d'une réponse tumorale plus durable qu'avec la chimiothérapie [13]. Différentes techniques ont été envisagées lors d'essais dans le MPM dont les premiers résultats semblent encourageants.

Ainsi, une cible privilégiée est la mésothéline, une molécule de surface exprimée par les cellules mésothéliales normales

Radiothérapie

La place de la radiothérapie est mal définie et limitée à ce jour dans le MPM : palliative à visée parfois antalgique ou discutée en prophylaxie de la dissémination tumorale au niveau des drains ou cicatrices thoraciques. Sa place en postopératoire est encore plus vague à ce jour avec des limites techniques d'irradiation qui pourraient être dépassées par les nouvelles modalités de délivrance du traitement dans le futur [1, 3, 4].

La radiothérapie prophylactique, recommandée par la Société de

Conclusion

Le MPM reste une pathologie rare de prise en charge difficile et spécialisée, justifiant la mise en place actuelle, sous l'impulsion de l'INCa, d'un réseau national de centres experts (inter)régionaux pour le MPM. Le réseau MESOCLIN, en lien avec l'INVS (responsable de la déclaration obligatoire du mésothéliome) et le réseau expert anatomopathologique MESOPATH, a pour objectifs principaux d'améliorer la prise en charge en routine du MPM, notamment au sein de réunions de concertations

Liens d'intérêts

A. Scherpereel a reçu pour son unité de recherche clinique des subventions de recherche de Teva (2014-2015), d'Amgen (2012-2014) et de Roche (2009-2014); invitations en congrès international (Roche pour l'iMig 2014 et Boehringer-Ingelheim pour l'ASCO 2015). Il participe à des boards BMS, Seattle Genetics et MSD. Il est investigateur principal pour plusieurs essais cliniques académiques et de firme (IRIS, MedImmune/Astra-Zeneca, Verastem et Morphotek).

Références (14)

There are more references available in the full text version of this article.

Cited by (3)

  • Malignant pleural mesothelioma segmentation for photodynamic therapy planning

    2018, Computerized Medical Imaging and Graphics
    Citation Excerpt :

    There exists a layer of cells called mesothelial cells that coats the chest, the abdomen and the space around the heart. This layer is known as the pleural mesothelioma and it is located in most cases (3 out of 4 are pleural mesotheliomas) between the rib cage and the lungs (Zucali, 2006; Scherpereel, 2015). Studies proved that the main risk factor of developing such disease is generally linked to a long term exposure to asbestos (Mensi, 2015).

  • Semi-Automated rib cage segmentation in CT images for mesothelioma detection

    2017, IPAS 2016 - 2nd International Image Processing, Applications and Systems Conference
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