Mésothéliome pleural malin : la chimiothérapie est-elle la seule option thérapeutique ?Malignant pleural mesothelioma: Is chemotherapy the only option?

https://doi.org/10.1016/S1877-1203(14)70610-XGet rights and content

Résumé

Le mésothéliome pleural malin (MPM) est un cancer de mauvais pronostic et rare mais d’incidence croissante, secondaire classiquement à une exposition à l’amiante. Il n’y a pas à ce jour de traitement curatif du MPM. Le MPM présente une forte résistance à la chimiothérapie, même si celle-ci est le traitement de référence actuel de première ligne (platine et pémétrexed) pour les recommandations internationales, et peu de patients sont des candidats potentiels à une « chirurgie radicale » telle qu’envisagée précédemment (pneumonectomie extrapleurale) et non validée. Cependant, devant les résultats très limités de la chimiothérapie, il est exploré d’autres voies thérapeutiques que celle-ci (immunothérapie…) ou des stratégies combinant la chimiothérapie à d’autres traitements : thérapies ciblées, radiothérapie, approche multimodale incluant une pleurectomie/décortication étendue (eP/D), une chirurgie d’exérèse tumorale maximale macroscopique du MPM, de morbi-mortalité moindre mais non curative sauf à un stade très précoce et rare. C’est pourquoi il a été suggéré que l’eP/D pourrait être intéressante si elle était combinée avec un traitement intrapleural (chimiothérapie, thérapie photodynamique…). Ces traitements innovants, résumés ici, doivent être validés par des essais cliniques prospectifs multicentriques, avec en France l’aide du réseau des centres experts du MPM (« MESOCLIN ») pour faciliter l’inclusion des patients.

Abstract

Malignant pleural mesothelioma (MPM) is a rare cancer with bad prognosis and increasing incidence, usually induced by previous asbestos exposure. To date, there is no curative treatment of MPM. MPM patients exhibit a high resistance to chemotherapy, even if this is the current standard first-line treatment (platinium and pemetrexed doublet) for all the international guidelines, and very few patients are potential candidates to « radical surgery » as previously defined (extrapleural pneumonectomy) and not validated. However, facing the very poor results of chemotherapy, many trials explore other therapeutic tools (immunotherapy…) or strategies combining the chemotherapy with other treatments: targeted therapies, radiotherapy, multimodal approach including extended pleurectomy/decortication (eP/D), a debulking surgery for MPM, with lower morbi-mortality rates than EP/D but without curative intent except in very early and rare stages of this cancer. Therefore it has been suggested that eP/D could be interesting if combined with an intrapleural treatment such as chemotherapy, photodynamic therapy… These innovative therapies, summarized here, must be validated by prospective multicentric clinical trials, with the help in France of the national network of expert centers for MPM (« MESOCLIN ») to ease the inclusion of patients.

Introduction

Le mésothéliome pleural malin (MPM) est une tumeur agressive des séreuses qui concerne la plèvre dans 80 % des cas. Il est de mauvais pronostic, avec une médiane de survie globale < 12 mois. Relativement rare (900 cas/an en France), le MPM a cependant une incidence croissante depuis 50 ans avec un pic d’incidence attendu dans notre pays vers 2020–2030. En effet, une exposition antérieure (souvent professionnelle) à l’amiante est le principal facteur étiologique du MPM, diagnostiqué jusque 40 ans après exposition. L’amiante n’a été définitivement interdit en France qu’en 1997 et dans l’Union européenne qu’en 2005. De plus, l’amiante est encore massivement utilisé dans de nombreux pays émergents (Chine, Russie, Brésil…) ou en voie de développement, faisant craindre dans le futur une épidémie de ce cancer au pronostic sombre [1,2].

Le diagnostic de MPM, porté tardivement après l’exposition à l’amiante, est aussi difficile car les signes cliniques et radiologiques de ce cancer sont non spécifiques et en compliquent encore la prise en charge. Malgré les recommandations pour cette prise en charge du MPM de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) en 2005, puis de la British Thoracic Society (BTS), de l’European Society of Medical Oncology (ESMO), de l’European Respiratory Society (ERS) en collaboration avec l’European Society of Thoracic Surgeons (ESTS) en 2010 et enfin australiennes (coordonnées par l’Asbestos Diseases Research Institute) en 2013, les outils diagnostiques et thérapeutiques et leur usage sont mieux codifiés mais évoluent peu depuis 10 ans, comme le mauvais pronostic de ce cancer [1], [2], [3], [4], [5], [6]. Le MPM reste et restera donc un problème majeur de santé publique pour de nombreuses années.

Il n’y a pas à ce jour de traitement curatif du MPM. Le MPM présente une forte résistance à la chimiothérapie, même si celle-ci est à ce jour le traitement de référence de première ligne (doublet cisplatine et pémétrexed) pour toutes les recommandations internationales [4], [5], [6], et peu de patients sont des candidats potentiels à une « chirurgie radicale » telle qu’envisagée précédemment. Cependant, devant les résultats encore très limités de la chimiothérapie, de nombreux essais tentent de trouver d’autres voies thérapeutiques que celle-ci (immunothérapie…) ou des stratégies combinant la chimiothérapie à d’autres traitements : approche multimodale, thérapies ciblées…

Les essais randomisés par Vogelzang et al. et par Van Meerbeeck et al. ont donc suggéré qu’une chimiothérapie de 1re ligne incluant des sels de platine (cisplatine ou à défaut du carboplatine) et un antifolate, le pémétrexed ou le raltitrexed (seul le pémétrexed a cependant une autorisation de mise sur le marché pour le MPM), pouvait augmenter la survie des patients par comparaison à une monothérapie par cisplatine, équivalente à une abstention thérapeutique. En effet, les survies globales médianes observées avec les combinaisons cisplatine-pémétrexed (12,1 mois) ou cisplatine-raltitrexed (11,4 mois) étaient largement supérieures à celles rapportées habituellement dans la littérature (7 à 9 mois) [7,8]. L’augmentation statistiquement significative de la survie globale par rapport à une monothérapie par cisplatine (9,3 et 8,8 mois respectivement) était un argument indirect suggérant un effet bénéfique de la chimiothérapie. Si des critiques ont été émises sur la qualité méthodologique de ces études ayant validé ce schéma (choix du bras contrôle cisplatine seul) [9], il s’agit des seuls essais randomisés de phase III ayant montré l’intérêt de la chimiothérapie dans le MPM, puisque le seul essai randomisé contre placebo était négatif (critiquable également sur le choix des molécules évaluées et le manque de puissance de l’étude) [10]. Depuis, des analyses de sous-groupes d’essai de phase IIIb et IV et des essais de phase II ont confirmé la tolérance et l’efficacité du pémétrexed associé au cisplatine ou au carboplatine, voire dans une moindre mesure du pémétrexed seul [11], [12], [13].

La durée de la chimiothérapie de 1re ligne reste, à l’heure actuelle, une inconnue. Un maximum de 6 cures est proposé par analogie avec le traitement du cancer bronchique non à petites cellules, sans réelle preuve clinique. Il n’y a eu à ce jour aucune étude validant l’intérêt d’une éventuelle maintenance par pémétrexed ou une autre drogue permettant de la recommander en routine [4], [5], [6].

Au-delà de la 1re ligne de chimiothérapie, aucune drogue n’est recommandée sauf le pémétrexed si le patient n’avait pas encore bénéficié de cette thérapie ou s’il n’avait pas progressé précédemment sous ce traitement et si la rechute intervenait tardivement (≥ 3 à 6 mois ?) après la fin de la ligne précédente [14]. D’autres schémas ont été étudiés (oxaliplatine + gemcitabine, oxaliplatine + raltitrexed, vinorelbine, gemcitabine, docétaxel + gemcitabine) [15], [16], [17], [18] globalement tous peu encourageants avec des taux de réponse de 4 à 20 %. En pratique, toutes les sociétés savantes recommandent dans les autres cas, plus fréquents, de proposer l’inclusion du patient en essai clinique, ce d’autant que près de 1 patient sur 2 est en état de recevoir un autre traitement [19,20]. Cette inclusion en essai peut même être envisagée dès la 1re ligne de traitement. Cette recommandation est d’ailleurs l’un des objectifs principaux du réseau national « MESOCLIN » coordonnant les centres experts (inter-) régionaux pour la prise en charge du MPM, créé à l’instigation de l’Institut national contre le cancer (INCa) en 2012.

Section snippets

Chirurgie

Non validée à ce jour, on distingue plusieurs types de procédures, notamment 2 principales : la pleurectomie/décortication (P/D) et la pleuro-pneumectomie élargie (PPE) [21]. La P/D peut être définie comme une exérèse significative mais incomplète macroscopique de la tumeur pleurale (debulking surgery), pouvant être étendue au diaphragme et au péricarde si ceux-ci sont envahis (eP/D). Réalisée seule, cette opération a pour objectif de « libérer » le poumon trappé par la tumeur, améliorer le

Conclusion

La chimiothérapie reste donc le standard thérapeutique du traitement de 1re ligne à ce jour pour le MPM. L’absence de recommandation thérapeutique au-delà de la première ligne, hors inclusion en essai, reflète malheureusement l’absence d’autres traitements efficaces et validés. Cependant, de nouvelles thérapies et/ou stratégies thérapeutiques sont en cours d’évaluation, porteuses de réels espoirs pour améliorer le traitement et le devenir des patients. Cette démarche, coordonnée entre les

Liens d’intérêts

Au cours des 5 dernières années, A. Scherpereel a perçu des honoraires ou financements pour participation à des congrès, actions de formation et participation à des groupes d’experts, de la part des Laboratoires Roche et Lilly. Il est investigateur principal ou co-investigateur pour des essais cliniques avec MedImmune, Roche, Verastem, IRIS. Le laboratoire de recherche de AS a reçu un soutien recherche de Amgen et Roche.

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