Elsevier

Annales de Pathologie

Volume 36, Issue 2, April 2016, Pages 111-119
Annales de Pathologie

Article original
Apport de l’expression protéique de BRCA1 associated protein 1 (BAP1) dans le diagnostic des mésothéliomes malins diffus pleuraux : une analyse cytologique et histologique comparative sur une série de 50 patientsBRCA1 associated protein 1 (BAP1) expression in pleural diffuse malignant mesothelioma: A comparative cytological and histological analyses on 50 patients

https://doi.org/10.1016/j.annpat.2016.01.005Get rights and content

Résumé

Introduction

Les mésothéliomes malins diffus (MMD) constituent une pathologie rare dont le diagnostic difficile s’appuie sur une analyse immuno-histochimique intégrant des marqueurs positifs et négatifs du mésothéliome. BRCA1 associated protein 1 (BAP1) est un gène suppresseur de tumeur altéré dans plusieurs cancers dont les MMD. La perte d’expression de BAP1 est corrélée à des anomalies génétiques somatiques ou constitutionnelles. Notre travail étudie l’intérêt d’intégrer l’anticorps BAP1 dans le panel d’anticorps utilisé en routine pour le diagnostic des MMD.

Matériel et méthodes

Le phénotypage immuno-histochimique était réalisé sur des prélèvements cytologiques et histologiques de MMD et de métastases pleurales d’adénocarcinome.

Résultats

Sur les 26 patients atteints d’un MMD et les 24 patients porteurs de métastases pleurales d’adénocarcinome, une perte d’expression de BAP1 était observée dans 48 % des MMD que ce soit sur prélèvements cytologiques (11/23) ou biopsiques (12/25) et dans 6 % (1/18) et 5 % (1/21) des adénocarcinomes, respectivement. La concordance entre immunocytochimie et immuno-histochimie était de 100 %. La spécificité de BAP1 était de 100 % en cytologie et en histologie pour le diagnostic de malignité du mésothéliome.

Discussion et conclusion

Dans le contexte diagnostique d’une prolifération mésothéliale, la perte d’expression de BAP1 en immuno-histochimie oriente vers un MMD. L’immuno-histochimie BAP1 peut être intégrée dans le panel d’immunomarquages utilisé pour le diagnostic de MMD, que ce soit sur des prélèvements cytologiques ou histologiques. Par ailleurs, une perte d’expression de BAP1 oriente le patient vers une consultation d’oncogénétique afin de ne pas méconnaître un MMD développé dans le cadre d’une anomalie génétique constitutionnelle.

Summary

Introduction

Diffuse malignant mesothelioma (MMD) is a rare disease. The diagnosis is difficult and needs an antibody panel. The tumor suppressor gene BRCA1 associated protein 1 (BAP1) is involved in several cancers, including MMD. Loss of BAP1 expression is correlated with BAP1 somatic or constitutional genetic defects. Our work assesses the value of integrating BAP1 in the panel of antibodies used for the diagnosis of MMD.

Materials and methods

Immunohistochemical techniques were performed on cytological and histological specimens of MMD and adenocarcinoma pleural metastasis.

Results

Of the 26 patients with MMD and the 24 patients with adenocarcinoma pleural metastasis, loss of BAP1 expression was observed in 11 (48%) and one adenocarcinoma (6%) on cytological specimens and in 12 MMD (48%) and in one adenocarcinoma (5%) on biopsy specimens. The concordance between immunocytochemistry and immunohistochemistry was 100%. The specificity of BAP1 was 100% on cytological and biopsy specimen for the diagnosis of malignancy in case of mesothelial proliferation.

Discussion and conclusion

Loss of BAP1 expression is an indicator of MMD in a context of mesothelial proliferation. This immunohistochemistry could be integrated in the panel of immunostaining used for MMD diagnosis, either on histological or cytological samples. Furthermore, loss of BAP1 expression guides the patient to an oncology genetic counseling in order to eliminate a MMD developed as part of a constitutional genetic defect.

Introduction

Le mésothéliome malin diffus (MMD) pleural est une pathologie tumorale rare qui se développe environ 30 ans après une période d’exposition à l’amiante. Trois sous-types histologiques principaux sont décrits : les mésothéliomes épithélioïdes (environ 80 %), biphasiques (environ 11 %) et sarcomatoïdes (environ 6 %) [1]. Le diagnostic repose sur un ensemble de critères associant des données cliniques, radiologiques, morphologiques, immuno-histochimiques et parfois moléculaires [2], [3], [4], [5].

La ponction évacuatrice de l’épanchement pleural, premier signe clinique du MMD, est réalisée à visée thérapeutique. Elle est complétée systématiquement par l’examen cytologique du liquide pleural, facilement réalisable et peu coûteux [4]. Le rôle diagnostique de la cytologie est encore controversé mais certains auteurs affirment que le diagnostic cytologique de MMD peut être affirmé devant un ensemble de critères morphologiques et immunocytochimiques [3], [6], [7], [8]. Les techniques immunocytochimiques utilisées comprennent les mêmes anticorps qu’en histologie. La limite du diagnostic cytologique est liée à la non-représentativité du prélèvement dans le cadre des liquides paucicellulaires, inflammatoires, ou hémorragiques [9].

Le diagnostic de MMD repose le plus souvent sur la biopsie réalisée par vidéothoracoscopie. Sur le plan histopathologique, le diagnostic différentiel principal du mésothéliome malin épithélioïde est la métastase pleurale d’un adénocarcinome, tumeur beaucoup plus fréquente. Dans le cas des mésothéliomes malins sarcomatoïdes, la difficulté diagnostique est d’affirmer la nature mésothéliale et le caractère malin de cette prolifération fusocellulaire. L’immuno-histochimie est essentielle au diagnostic. Le panel d’anticorps comprend au moins deux marqueurs positifs de mésothéliome (calrétinine, CK 5/6) et deux marqueurs négatifs de mésothéliome (Ber-EP4, MOC31) [2], [9], [10]. Des anticorps complémentaires peuvent être utilisés en fonction du contexte clinique, comme le TTF-1 et les récepteurs aux œstrogènes pour éliminer respectivement les métastases fréquentes d’adénocarcinomes pulmonaires et mammaires [10], [11].

Le gène BAP1 est un gène suppresseur de tumeur qui joue un rôle dans la progression du cycle cellulaire, la régulation de l’expression de certains gènes et intervient dans les mécanismes de réparation de l’ADN [12]. Des proliférations tumorales associées à BAP1 ont été décrites [13]. Les MMD pleuraux comportent des altérations génétiques de BAP1 dans environ 42 % des cas (entre 22 % et 61 % selon les auteurs) [14], [15], [16]. Ces altérations, des mutations somatiques ou germinales et des délétions, provoquent des inactivations bialléliques du gène et pourraient accélérer le développement des mésothéliomes induits par l’exposition à l’amiante [17]. De plus l’inactivation du gène BAP1 est corrélée à la perte d’expression immuno-histochimique de BAP1 dans les cellules tumorales [12], [14], [15]. Dans la littérature, devant une prolifération mésothéliale, la perte d’expression immuno-histochimique de BAP1 constitue un marqueur de malignité et a une spécificité proche de 100 % pour affirmer le diagnostic histologique de MMD épithélioïde par rapport à une hyperplasie mésothéliale bénigne [7], [12], [18], [19], [20], [21].

Les objectifs de notre travail sont d’étudier l’expression protéique de BAP1 dans les MMD pleuraux et les métastases pleurales d’adénocarcinome et de discuter l’intérêt d’intégrer cet anticorps dans le panel actuellement utilisé en routine pour le diagnostic des MMD.

Section snippets

Sélection des patients

Notre série comprenait, d’une part, une sélection de patients porteurs d’un MMD diagnostiqué entre 2011 et 2015, et d’autre part, une sélection de patients porteurs d’une métastase pleurale d’adénocarcinome diagnostiquée entre 2012 et 2015. Le critère d’inclusion était la disponibilité, pour un même patient, d’un prélèvement cytologique et d’un prélèvement biopsique représentatifs de la tumeur. Les données cliniques (sexe, âge) étaient collectées pour les deux groupes et les données de survie,

Caractéristiques des patients

Cinquante patients étaient inclus dans l’étude comprenant 26 cas de MMD et 24 cas de métastase pleurale d’adénocarcinome. Dans le groupe MMD, le sex-ratio était de 21 hommes pour cinq femmes et la moyenne d’âge de 72 ans (51 ans à 85 ans). Sur le plan cytologique, le diagnostic de malignité était suspecté devant des liquides richement cellulaires. Sur étalement, les cellules mésothéliales apparaissaient de grande taille, monomorphes, à cytoplasme basophile, à petit noyau rond central, isolées ou

Discussion

La première partie de notre étude a porté sur le problème du diagnostic différentiel entre le MMD malin épithélioïde et la métastase d’un adénocarcinome en comparant les prélèvements histologiques et les prélèvements cytologiques. L’examen cytologique d’un épanchement pleural est systématique dans la prise en charge d’une tumeur pleurale et les critères diagnostiques cytologiques du MMD épithélioïde ont été précisés dans la littérature [3], [6], [7], [8]. Enfin, la réalisation systématique de

Déclaration de liens d’intérêts

Marie Brevet déclare avoir des liens d’intérêts avec Astra Zeneca, Novartis, BMS et Roche.

Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient Dominique Bourchany, Arlette Loiseau et Thomas Verger pour leur aide technique ainsi que l’équipe technique du service d’anatomie et de cytologie pathologiques du centre hospitalier Lyon sud. Ce travail a été réalisé avec le soutien financier de la Ligue contre le cancer (MB) et du LYRIC (INCa-DGOS-4664) (MB).

Les échantillons biologiques humains ainsi que les données associées sont issus du centre de ressources biologiques Cardiobiotec (CRB-HCL) et de la base de données

Références (25)

  • A. Hjerpe et al.

    Guidelines for the cytopathologic diagnosis of epithelioid and mixed-type malignant mesothelioma: a secondary publication

    Cytopathol

    (2015)
  • Cited by (0)

    View full text